Comment êtes-vous arrivés ici?
Si c’est par courriel, pourquoi avez-vous choisi de l’ouvrir à ce moment précis?
Ce sont quelques-unes des questions posées en arrivant sur Howdidyoufind.me, un drôle de site qui n’a d’autre vocation que de raconter comment ses visiteurs l’ont découvert.
D’où venaient-ils, quelles étaient leurs intentions, et qu’ont-ils finalement trouvé?
Le créateur de ce site publie les témoignages reçus directement sur la page d’accueil, créant ainsi une grande fresque d’expériences variées : certaines guidées par un algorithme, d’autres par la recommandation d’un ami.
J’adore ce genre d’expérimentation artistique qui fait appel à la collaboration du public. Ça a l’air d’une autre époque, c’est un peu tout croche, mais ça illustre plutôt bien l’aspect organique et pluriel des parcours de découverte en ligne. Et ça montre à quel point les métriques habituelles ne disent pas tout.
[…] trackers only tell the story of the last mile of travel: a bit like saying that a handmade quilt you ordered online came from FedEx.
Au commencement, il y avait le lien social
Un autre point fort de Howdidyoufind.me est d’interroger la façon dont le lien se crée entre un usager et une création numérique. Comment s’opère la rencontre et quel type de lien l’usager doit-il développer pour que l’expérience soit significative et qu’il ait envie de revenir?
Si je m’intéresse tant au concept d’engagement numérique, c’est parce que aujourd’hui, dans l’univers des plateformes numériques, l’attention est désormais moins portée sur les interactions sociales que la stimulation de l’engagement avec l’outil. Et paradoxalement, cela nuit à la fabrique de liens sociaux.
Les mécanismes en place visent à stimuler le temps passé à scroller/swiper, à réagir sur le coup de l’émotion, puis à scoller/swiper encore. Pour alimenter ce scroll, on pousse des contenus polarisants et exploite le social snacking, qui nourrit l’impression d’appartenir à un groupe.
Et voilà qu’on parle aujourd’hui d’une épidémie de solitude.
Les entreprises numériques ne sont certes pas responsables de tous les maux, mais en se positionnant comme outils de collecte de données, elles ont progressivement privé les usagers de contrôle sur leur expérience de socialisation en ligne. Exit les mises à jour des amis et de la famille, exit le tri chronologique; bonjour la dégradation des services et ce que l’on appelle l’enshittification du Web.
Maintenant, vous pourriez me dire : ok, mais si des plateformes sociales comme Facebook ou TikTok restent si populaires, c’est bien parce que le monde les trouve utile pour « socialiser » , non?
Oui, en partie. Tout est dans la manière de s’approprier l’outil. Certaines études montrent que les plateformes sociales peuvent effectivement renforcer les liens existants, ceux nés dans la « vraie vie ». Mais, sans surprise, elles ne sauraient remplacer les interactions en chair et en os.
Psychologist Robert Weiss makes a distinction between “social loneliness” – a lack of contact with others – and “emotional loneliness”, which can persist regardless of how many “connections” you have, especially if they do not provide support, affirm identity and create feelings of belonging.
Bon, vous aurez compris que les plateformes sociales ne sont pas la solution à l’épidémie de solitude, mais une utilisation réfléchie, où l’outil est à notre service et non le contraire, peut faire une différence dans le maintien de liens sociaux existants.
Les exemples ne manquent pas, le premier me venant à l’esprit est le projet de plateforme sociale Front Porch qui offre des espaces de discussions soutenus par des communautés locales. Si l’engagement des usagers est si fort, c’est parce que le projet a évolué de façon organique dans des conditions propres à ces communautés du Vermont. Autrement dit, c’est eux qui ont le contrôle de la plateforme.
Dans le même ordre d’idées, une approche plus fine de la mesure d’engagement numérique, en phase avec les intentions et attentes des usagers, et donc respectueuse de leur bien-être, est, à mon avis, l’une des clés d’un futur souhaitable pour le Web.
Dans ce futur souhaitable, j’espère que les métriques d’engagement valoriseront davantage la qualité du lien entre le créateur ou diffuseur de contenu et son audience — une nécessité, alors que les plateformes sociales deviennent de plus en plus asociales.
Un lien qui, comme toute relation humaine normale, ne peut s’épanouir pleinement qu’à travers des échanges authentiques.
Quelques lectures sur une meilleure mesure et stimulation de l’engagement
Comment les éditeurs devraient-ils mesurer la performance de leurs publications?
L’auteur met en avant l’importance, pour les éditeurs, de recentrer leurs mesures de performance sur l’engagement direct et la fidélisation, plutôt que de dépendre du trafic de référence et des revenus publicitaires.Pour se démarquer de « l’info putaclic », des médias français explorent de nouvelles façons de mesurer l’impact de leurs reportages.
Des plateformes modernes comme Perfectly Imperfect répondent à la soif des utilisateurs de recommandations « authentiques », car ils recherchent des avis non algorithmiques et l’expression de goûts personnels... et humains.
Enfin, est-il possible de créer en ligne en échappant aux logiques marchandes?
Le « de-influencing » est un mouvement sur les médias sociaux où certains créateurs, en contraste avec les influenceurs traditionnels, découragent l'achat impulsif et dénoncent la surconsommation ainsi que les publicités non divulguées.
Cependant, certains de-influenceurs finissent par monétiser leur audience de la même manière qu'ils critiquent les autres de le faire, en vendant des conseils financiers ou de développement personnel... Évidemment, cela provoque une certaine frustration chez leur audience, qui soulève à juste titre des questionnements sur l’authenticité de leur message.
Voilà! Encore une fois, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et recommandations de lecture.
Je vous remercie d’avance.
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Claudia