Économie des créateurs : ce qui n'arrivera pas en 2024
L'économie des créateurs a été l'un des secteurs affichant la croissance la plus rapide en 2023.
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Je sais, je l’ai négligé ces derniers mois, mais j’avais une bonne excuse : un contrat de consultation pour la mise à jour d’un programme en production télé d’un collège. Un « side project » qui m’a occupé quelques mois.
Bien que l'économie générale tourne au ralenti, l'économie des créateurs, elle, voit les choses autrement avec des perspectives plutôt positives pour 2024. Estimée à 250 milliards de dollars américains, on anticipe qu'elle atteindra les 480 milliards d'ici 2027. L'économie des créateurs a été l'un des secteurs affichant la croissance la plus rapide en 2023.
Mais les créateurs profitent-ils vraiment de ces belles projections?
Voici mes « anti-prédictions » pour 2024, c’est-à-dire ce qui ne fera pas partie du paysage de la creator economy et ce, malgré les beaux chiffres et l’enthousiasme de certains observateurs.
Et hop!
Les créateurs numériques vont se professionnaliser, mais le temps plein, ce ne sera pas pour tout le monde
Un récent sondage de Business Insider révélait que 51% des créateurs interviewés gagnaient moins de 500$ par mois. Une autre étude citée dans le rapport Perspectives du FMC soutenait « que moins de 20 % des créateurs numériques se partagent plus que 80 % des profits. [...] L’économie des créateurs se résume donc au principe “le gagnant empoche la majeure partie” ».
Pourtant, YouTube affirme qu’une classe moyenne est en émergence et qu’elle parvient à générer des revenus stables avec un following modeste, soit environ 100k. Intéressant, mais les revenus publicitaires de YouTube ne sont souvent qu’une partie du tableau financier, les partenariats avec les marques représentant environ 70 % des revenus totaux.
Les modèles d’affaires de la création de contenu numérique sont multiples (revenus publicitaires, partenariats, abonnements, affiliations, dons, etc.), complémentaires, et changent en fonction des tendances de consommation, des algorithmes ou des termes d’utilisation des plateformes. C’est pourquoi on recommande d’avoir plus d’une activité à revenus, mais pour un solo-entrepreneur, ça peut être lourd.
D'un autre côté, la création de contenus numériques se professionnalise, avec certaines universités américaines qui l'incluront dans leurs programmes. On enseignera notamment le marketing et la commercialisation, des connaissances essentielles pour assurer la pérennité d’une carrière dans ce domaine.
Et les syndicats de créateurs dont on a beaucoup parlé lors de la grève des scénaristes d’Hollywood?
Mes deux cennes: bien que des organisations se mettent en place, comme la Creators Guild of America (qui n’est PAS un syndicat de travailleurs), l'économie des créateurs doit se structurer avant de faire face à des YouTube et TikTok, qui ont montré, dans le passé, peu d'ouverture à ce type de discussion.
Voici un brillant résumé de cette économie encore bien fragile.
Certains créateurs voudront ralentir leur production, mais ça risque d'être compliqué…
The Publish Press affirme qu’une des tendances à surveiller est la réduction des opérations.
Une intention tout à fait louable, mais pour retenir l’attention sur des plateformes comme TikTok, il faut produire en quantité et publier régulièrement. C’est aussi le cas avec YouTube. Or, produire des vidéos captivantes et de qualité, c’est exigeant.
"There's so many things that I can't make videos about because the packaging isn't right—the title or thumbnails aren't interesting. But podcasting compared to what I've been doing is easy mode. "
- Leon Hendrix, créateur de contenu sur le développement personnel
Quand on sait que YouTube est la plateforme de streaming no 1 et que TikTok est la plateforme qui connaît la croissance la plus rapide, il est difficile de les ignorer.
C'est ainsi que l'IA intervient, avec notamment des outils d'édition promettant d'optimiser la production de contenus. Or ces outils sont loin d’être parfaits et plusieurs créateurs affirment que solutions IA actuelles ne les aident pas encore à gagner du temps.
Mais je suis convaincue, tout comme les auteurs du MIT Technology Review, que les solutions de conversion texte en vidéo deviendront de plus en plus populaires pour soutenir, voire stimuler, la création de vidéos courtes.
Les créateurs numériques (et leurs plateformes) ne vont pas remplacer les médias traditionnels. Sauf que…
Ces industries vont collaborer de plus en plus, car elles ont à apprendre de leurs domaines respectifs.
Pour illustrer mon propos, je vous partage un cas d’étude informel que j’ai également présenté dans mon rapport de consultation. Il a été diffusé par le comédien et youtubeur Max Fosh, qui a comparé l’une de ses productions YouTube avec un épisode de la série britannique Rob & Romesh Vs.
Un défi unit ces deux créations : accompagner l’Orchestre Philharmonique de Londres lors d’un concert.
Les résultats, en chiffres :
Trois personnes ont travaillé sur la production YouTube de Fosh, qui a pris 6 semaines à produire et a cumulé plus d’un million de vues.
L’épisode de Rob & Romesh Vs a pris 6 mois à produire, avec une équipe de production télévision (pouvant aller jusqu’à 50 personnes) et a généré environ 400 000 visionnements.
« Je crois que la télévision est encore importante dans notre écosystème culturel, mais si vous souhaitez percer dans le monde de l’humour et montrer votre art au monde entier, appuyez simplement sur “publier” », en conclut Max Fosh.
Léger en apparence, ce « cas d’étude » illustre bien les enjeux de la production télévisuelle en 2023. Voyant ce que certains Youtubers et TikTokers font avec peu de moyens, tout en ayant une fine connaissance de leur auditoire, engagé de surcroît, producteurs et diffuseurs seraient tentés de dire « mais voilà la réponse à tous nos problèmes! ».
Or comme cela a été soulevé par l’un des intervenants de mon enquête, il s’agit plutôt d’initier davantage de passerelles entre les industries audiovisuelles et numériques.
Tout comme dans le secteur de l'information, les médias traditionnels ont encore un rôle essentiel à jouer : produire de l'information de qualité, fiable et vérifiée. Comme le souligne ce professeur de l’école de journalisme de l’Université Columbia, à l’heure actuelle, la plupart des créateurs de contenus d’information se contentent d'agréger ou de commenter des nouvelles provenant de sources traditionnelles.
Toujours dans le même article, certains créateurs de contenus d’information soutiennent qu’ils sont indépendants alors que certaines plateformes qui les diffusent, comme Rumble, sont supportés par des groupes d’activistes conservateurs. Et n'oublions pas que les plateformes peuvent réviser leur position stratégique à tout moment (Meta qui ne souhaite plus être une destination pour les nouvelles), ou changer de propriétaire (Twitter, Vine), mettant en péril la business de certains créateurs.
Mais les grandes marques médiatiques n'attirent que peu les moins de 35 ans, ces derniers préférant s'informer auprès de créateurs avec lesquels ils ont établi un lien de confiance direct.
Quelque chose est à rebâtir, c’est certain, et c’est peut-être sur le terrain de l’expérimentation avec les créateurs numériques que ça se passe.
Les créateurs ont une influence considérable, mais l'idée de les voir s'engager en politique reste peu probable
Une certitude demeure : ils auront un rôle à jouer dans l’élection présidentielle américaine.
Voici la prédiction de Kaya Yurieff, journaliste techno à The Information:
‘‘I expect politicians to embrace creators in a big way this election season, making them important parts of their campaign strategies both behind the scenes and in front of the camera. An even broader swath of creators will also get involved with get-out-the-vote efforts and rally behind specific political issues, rather than backing a candidate.’’
Mais hey, ce n’est pas la première fois que des partis politiques ou gouvernements font appel aux services de créateurs pour faire passer leur message.
Voilà pour cette première édition 2024! Au plaisir de vous lire dans les commentaires.
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Claudia