Je le dis tout de suite : cette infolettre n’a qu’un sujet, et il s’agit d’un épisode marquant de ma vie professionnelle. Une expérience personnelle, donc.
C’est très rare que je m’aventure dans ces eaux-là, mais comme je travaille sur le plan de rédaction de mon livre sur les projets passion, j’ai eu envie d’exposer la genèse de ma quête, c’est-à-dire l’événement déclencheur qui m’a amené à réfléchir au futur du travail, à l’économie de la création et aux innovations technologiques qui changent indubitablement la façon dont on occupe notre tête et nos 10 doigts.
Voici donc.
Printemps 2019. Je revenais de vacances.
Une semaine que j’avais prise sur un coup de tête, parce que j’étais brûlée. Ça faisait des mois que j’assumais les responsabilités d’un poste cadre par intérim, ma première expérience de gestionnaire. Je donnais tout.
Mais ça valait la peine car dans quelques semaines, on allait officialiser mon poste de cheffe. Mes collègues me féliciteraient, on me dirait que je suis à ma place, et effectivement, j’avais la réconfortante impression d’être sur mon X. J’avais l’esprit en paix.
Les choses ne se sont pas passées ainsi. Dès mon retour au bureau, ma directrice a convoqué l’équipe entière pour une réunion surprise, avec un préavis de 30 minutes. Ce n’étais pas bon signe, je le savais. Et je ne l’avais pas vu venir.
La voix de ma directrice tremblait. Elle nous annonçait la fermeture de notre secteur. La bonne nouvelle, c’est qu’aucun poste n’était coupé à ce moment de la restructuration.
La mauvaise, c’est que le poste que j’occupais par intérim, et pour lequel j’espérais signer le contrat sous peu, disparaissait dans la nouvelle structure. On me renvoyais au poste que j’occupais deux ans plus tôt, sans négociation possible. Je devais reculer ou démissionner. C’était insultant. J’ai donc décidé de quitter ce navire que j’aimais et où je travaillais depuis plus de 11 ans.
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Cette expérience s’est avérée aussi douloureuse qu’une rupture amoureuse. Et le choc! J’ai eu à faire le deuil du poste que j’espérais, du produit passionnant sur lequel j’avais la chance de travailler, et de mon équipe.
J’espérais trop de cet emploi. Comme ces personnes qui cultivent des attentes irréalistes envers leur couple (famille, amant, ami, collègue, père, cuisinier), je m’étais trop investie dans ce travail qui était à la fois facteur d’émancipation, d’identité, de reconnaissance et de bien-être.
En parcourant l’étude de Houlfort et Vallerand (La passion envers le travail : les deux côtés de la médaille), j’ai réalisé que je me trouvais à mi-chemin entre la passionnée harmonieuse et la passionnée obsessive, dont le travail pouvait supplanter certaines sphères de ma vie personnelle. Ç’a été le cas.
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Alors j’ai remis ma casquette de chercheuse pour interroger la relation entre le travail et le besoin de réalisation de soi. À quel moment peut-on dire que le travail prend trop de place dans nos vies (sécurité, passion, social, etc.)?
Et surtout : qu’est-ce qu’on fait quand on prend conscience de cela?
Je n’ai pas de réponses, et encore moins de conseils à donner. Mais comme dans n’importe quoi, une partie de solution pourrait résider dans la « diversification »; dans ce cas-ci, il s’agirait de sources d’accomplissement, d’où mon vif intérêt pour le projet parallèle (side project) ou le passe-temps (hobbie).
Qu’est-ce qui va sortir de cette recherche? Un essai, j’espère, mais je ne pourrais en dire plus à ce stade-ci. Les prochains mois seront consacrés à la cueillette d’infos auprès de chercheurs et de professionnels qui arrivent à ne pas fondre leur identité personnelle avec leur profil LinkedIn.
Si vous avez des suggestions ou des commentaires, écrivez-moi!
Claudia
La question des attentes irréalistes est un vrai sujet. Je crois aussi qu'à travers le side project on se découvre et on explore nos attentes plus personnelles, loin des injonctions et des représentations.