L'injonction au projet personnel : de plus en plus pressante?
Et l'aventure inattendue d'une artiste qui a pris son temps.
Bonjour Ă vous,
Cette semaine, les nouveaux modĂšles Ă©conomiques issus du monde numĂ©rique seront abordĂ©s dans une perspective critique. Ă'a l'air sĂ©rieux dit comme cela, mais vous allez voir, câest pas si vilain!
Je vous parle aussi d'une crise chez TikTok, d'un nouveau documentaire sur lâĂ©conomie Ă la demande (gig economy), et enfin, sur une note plus optimiste, d'une femme qui a travaillĂ© pendant des annĂ©es sur la crĂ©ation dâune typo, et ce, par pur plaisir, sans attente de reconnaissance. Finalement, son travail a rĂ©coltĂ© plusieurs distinctions.
Bonne lecture!
Dans un monde de créateurs, l'injonction au projet se fait plus pressante...
Si j'observe avec beaucoup d'enthousiasme l'Ă©volution et les tendances du numĂ©rique, dont certaines avancĂ©es permettent au plus grand nombre de se faire aller la passion et mĂȘme d'en tirer des revenus, je me fais aussi un devoir de rester critique. Ces innovations, aussi prometteuses soient-elles, sont produites non pas dans un objectif de mieux-ĂȘtre collectif, mais dans une logique de fonctionnement motivĂ©e par l'exploitation maximale des rĂ©seaux sur les plateformes.
J'en appelle donc Ă la vigilance.
DerriĂšre les extraordinaires possibilitĂ©s dâautonomie que font miroiter certaines plateformes, il y a une nouvelle forme de « pauvretĂ© disqualifiante » qui Ă©merge en excluant les personnes qui ont un capital social faible ou qui nâont simplement pas accĂšs Ă ces technologies.
Passant beaucoup de temps à lire et à écouter ce qui se dit sur la creator/passion/gig economy, je prédis par ailleurs que l'injonction au projet personnel se fera de plus en plus ressentir.
Le phénomÚne n'est pas nouveau, on reconnait depuis longtemps la nécessité d'avoir un projet pour se projeter dans le futur, et pour briller socialement. Parce qu'aprÚs la question « tu fais quoi dans la vie? », il n'est pas rare qu'on échange sur les projets qui nous occupent personnellement : les rénovations, l'écriture, le bénévolat, l'apprentissage d'une nouvelle langue. Et l'on ne peut pas nier qu'une distinction s'opÚre entre les personnes qui sont avalées par leur quotidien et celles qui ont le temps de laisser libre cours à leur créativité.
Je m'arrĂȘte ici, mais je vais certainement revenir sur ce sujet de tension.
Si l'injonction au projet personnel vous interpelle, je vous propose cette lecture, qui est d'ailleurs à l'origine de ce billet.
TikTok : le fonds alloué aux créateurs ne répond pas aux attentes
C'est LE sujet de la semaine dans le monde des créateurs.
En 2020, la plateforme sociale a créé un fonds de 200 M$ pour soutenir ses crĂ©ateurs amĂ©ricains. Or, contrairement Ă YouTube qui redistribue un pourcentage de ses revenus publicitaires, faisant ainsi en sorte que ses crĂ©ateurs jouissent de sa croissance, TikTok n'a que ce fonds pour « rĂ©munĂ©rer » ses fournisseurs de contenus. MĂȘme si elle gagne en croissance, son fonds, lui, ne bouge pas. On comprend alors que ça joue sur la taille des pointes de tartes.
Oh! En passant, TikTok a annoncé cette semaine qu'elle va tester les abonnements payants. Quel hasard...
The Gig is Up : A Very Human Tech StoryÂ
La gig economy existait avant la pandémie, mais elle a explosé pendant le grand confinement et ne montre aucun signe d'affaiblissement depuis. Or, on ne peut pas en dire autant des travailleurs de cette industrie, dont plusieurs découvrent le coût réel de l'autonomie tant convoitée.
En trois mots : disponibilité sans limites.
Pour mieux comprendre cette réalité, je vous suggÚre fortement le documentaire The Gig is Up : A Very Human Tech Story. On est offert pour visionnage gratuit sur la plateforme Gem de CBC.
Passion et patiente : l'aventure inattendue d'une artiste qui a pris son temps
Voici l'histoire touchante d'une graphiste amoureuse de l'écriture manuscrite.
Un jour, Carolyn Porter a décidé de créer sa propre typo inspirée de l'écriture cursive à l'ancienne. Au fil de ses recherches, elle est tombée sur les correspondances d'un pÚre et de ses filles pendant la DeuxiÚme Guerre mondiale. L'écriture était tellement belle qu'elle lui a consacré neuf ans de travail, les soirs et les week-ends, dans le but de la transposer en une nouvelle typo, la P22 Marcel Script. Non seulement a-t-elle été décorée de nombreuses distinctions, mais elle lui a aussi permis de se rendre à Paris pour y rencontrer les survivantes.
Son message : si vous avez un projet qui vous passionne, mettez-y le temps et les efforts qu'il faut, et surtout, soyez patient. On ne sait jamais oĂč cela peut vous mener.
VoilĂ pour cette semaine.
Merci de votre intĂ©rĂȘt et encore une fois, nâhĂ©sitez pas Ă me faire part de vos commentaires et suggestions!
Claudia