Avons-nous besoin de nouvelles plateformes sociales?
La nouvelle place, Qwice, Nospace, AirChat, Waverly, Spaces, Substack...
Ça dépend à qui l’on pose la question, et comment on la pose.
Si l’on faisait un sondage grand public, comme l’a fait The Published Press, je mets ma main au feu qu’on obtiendrait des résultats similaires, avec une majorité répondant par la négative et pointant du doigt la fatigue numérique causée par la surutilisation d’outils numériques (courriels, chat, médias sociaux, textos, notifications, etc.).
J’aime bien le commentaire d’un répondant : « on n’a pas besoin de plus de plateformes, juste un meilleur contrôle de la qualité! » Ben kin.
En revanche, si l’on pose la question à des créateurs, médias, entreprises ou organisations qui doivent joindre leur monde là où il se trouve, et donc cultiver et diversifier les points de contact tout en respectant leurs valeurs fondamentales, la réponse sera sans doute plus favorable à de nouvelles plateformes. À une condition : que la mayonnaise de la communauté prenne!
Puis il y a comment on pose la question.
Parce qu’on s’en fout pas mal d’avoir plus d’applications sociales dans les stores. Si la proposition demeure toujours la même — attirer les masses, titiller leur système de récompense pour qu’elles scrollent indéfiniment dans le désir flou, et fournissent du contenu pour une dose de dopamine en retour — on n’est pas plus avancé socialement parlant. Je me demande d’ailleurs si cela n’étouffe pas la créativité plutôt que la stimuler.
Mais si l’on dit : avons-nous besoin de nouvelles alternatives? Des plateformes sociales plus respectueuses de notre attention et en adéquation avec ce que plusieurs semblent rechercher (voir la liste des nouvelles plateformes plus bas) : des communautés bienveillantes et des échanges intelligents, sans se faire bombarder de pubs de fond de teint. Et donc, des nouveaux modèles de gouvernance pour supporter des espaces numériques plus… organiques.
Je suis retombée sur cet article du NYT cette semaine. L’auteur y va du constat suivant : c’est la fin des médias sociaux tels qu’on les a connus à leurs débuts. Ils sont arrivés au bout de leur vie utile. Dans le même temps, ça pousse à côté. Cette autre chose paraît plus mature, et surtout, plus axée sur les petits groupes et la proximité des intérêts. ‘’The idea that a new social media site might come along to be the one app for everyone appears unrealistic’’, affirment les experts interviewés.
Sur ce, chose promise, chose due : un tour d’horizon de nouvelles plateformes sociales à surveiller.
Il en manque peut-être, alors n’hésitez pas à m’en signaler d’autres dans les commentaires. Ça serait grandement apprécié.
La nouvelle place
Je sais, je suis un peu biaisée, car je contribue au comité provisoire, mais je crois que La nouvelle place est une parfaite réponse à la domination des « cinq géants » qui ont carrément redéfini ce qu’est le web pour plusieurs.
Cette nouvelle place publique met l’engagement citoyen au cœur de sa démarche avec un modèle de gouvernance bien connu au Québec, mais inédit dans le monde des plateformes sociales : la coopérative de solidarité sans but lucratif. Les appuis se font de plus en plus nombreux, signe que le besoin est réel et qu’on a envie que cet espace numérique existe. Pour suivre l’avancement du projet, consultez le site, écoutez les balados et n’hésitez pas à nous écrire.
Qwice
Initiée par un groupe d’entrepreneurs français, Qwice est un média social développé en contrepied à l’idéologie mercantile des GAFAM.
Le mot d’ordre : bienveillance. Ils ont développé un écosystème protecteur de l’utilisateur avec des fonctionnalités qui reposent sur quatre piliers : la pertinence, le niveau de confiance, la réputation et la modération.
Qwice se démarque par l’implication exigée de l’utilisateur. On fait le pari que l’utilisateur n’est pas que passif et qu’il veut contribuer à rendre le monde meilleur, à commencer par son fil d’actualités.
Waverly
Cette plateforme montréalaise se démarquera des autres applications sociales par l’utilisation qu’elle fera de l’intelligence artificielle. Son co-fondateur, Philippe Beaudoin, souhaite qu’elle contribue à détecter les intentions des utilisateurs pour mieux les servir, plutôt que de chercher à capter leur attention. On peut s’inscrire dès maintenant pour obtenir un accès anticipé à la version bêta.
Spaces
Eh oui, une autre plateforme canadienne qui n’existe pas encore! Fondée par le groupe Village Media en Ontario, Spaces souhaite capitaliser sur la force des médias locaux, soit la proximité et l’engagement avec leurs communautés. Ils lanceront donc un nouvel espace à échelle humaine pour stimuler les échanges avec les journalistes et experts locaux.
Nospace
Nospace propose un retour vers le passé, en puisant dans les références des années 2000. Souvent comparée à MySpace, elle souhaite offrir un espace sans publicité ni algorithmes, juste des forums où les utilisateurs peuvent choisir ce qu’ils veulent voir et avec qui ils veulent interagir, en personnalisant leur profil. L’idée est d’être moins un média social qu’un réseau social qui permettrait des relations plus authentiques, comme « antidote à l’épidémie de solitude », soutient la fondatrice Tiffany Zhong.
Sortie prévue le 12 juin.
PI.FYI
Perfectly imperfect. La plateforme porte merveilleusement son nom, car on a l’impression de débarquer sur un forum du début des années 2000; c’est chargé, c’est vintage et c’est joyeux. Pensée à la base comme une infolettre, son fondateur, Tyler Bainbridge, un ex-Meta, a voulu créer un espace où les utilisateurs partagent des trucs qu’ils aiment et leurs plus récentes découvertes, sans l’intervention d’algorithme — on commence à percevoir une tendance, n’est-ce pas?
Tyler précise qu’il s’agit d’un projet passion :
... don't worry, this isn't some weird tech industry bullshit. I've always wanted a site like this, so when I got laid off last summer I set out to make it real.
AirChat
Un autre ClubHouse? Oui et non. On parle plutôt d’un croisement entre ClubHouse et Twitter; les publications se font d’abord à l’oral et peuvent être retranscrites à l’écrit grâce à l’IA. En plaçant la voix des utilisateurs au centre de leur innovation, les fondateurs espèrent que les échanges soient plus compréhensibles, authentiques et respectueux. Peut-être même au point de mettre moins d’efforts sur la modération, ce qui paraît risqué…
Youni
Créée par deux étudiants d’Oxford, la raison d’être de Youni est la collaboration entre les étudiants. Elle se distingue par son intégration de fonctionnalités spécifiques aux besoins des universitaires, telles que le partage de ressources académiques, l'organisation d'événements et des forums de discussion par cours et disciplines. Pour l’instant, les fondateurs souhaitent que l’accès à la plateforme demeure gratuit et sans publicité, et miseront plutôt sur la monétisation de certains services.
Substack
Je termine avec la plateforme sur laquelle vous lisez ce texte. Bien sûr, elle n’est pas nouvelle, mais à mon avis, et selon l’avis de plusieurs, Substack est en train de se positionner comme une véritable destination d’interactions sociales pour les passionnés de lecture. Ces dernières semaines, je me suis surprise à passer plus de temps à lire et découvrir de nouveaux comptes sur cette plateforme que YouTube, LinkedIn et X confondus.
Mais ça ne veut pas dire que l’entreprise ne va pas explorer d’autres formats afin de mieux servir ses créateurs et de courtiser ceux qui font de la vidéo sur TikTok, Instagram et YouTube. Voyant à quel point ils déploient rapidement de nouvelles fonctionnalités, je ne serais pas étonnée que Substack se retrouve éventuellement dans le Top 10 mondial.
Voilà! Encore une fois, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et recommandations de lecture.
Je vous remercie d’avance.
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Claudia
super intéressant.
Je suis (peut être) hyper optimiste, mais j'ai l'impression que le feu sacré des débuts n'est jamais tout à fait parti, il s'est sans doute mué vers d'autres couches de ces mêmes réseaux. Les groupes sur FB n'ont jamais été aussi actifs (notamment dans la santé, les groupes de soutien etc.), les conversations privées sur Insta peuvent parfois donner naissance à de belles rencontres. Je pense que c'est surtout la logique média vs sociale qui a corrompu une partie de nos expériences, couplée à une massification du nombre d'utilisateurs. Mais tout se régule à terme (et merci pour la liste!).